Entretien avec un enseignant, un pratiquant passionné par le karaté, les arts martiaux et l’enseignement : Olivier Brignon. Il interviendra au Imagin’ Arts Masterclass « Spécial Pédagogie ».
Lionel Froidure : Olivier, qui es-tu ?
Olivier Brignon : J‘ai 42 ans, je suis professeur d’EPS, 4° dan de Karaté et titulaire du BEES 2°entre autres. Je suis enseignant d’EPS spécialisé en poste à l’Université. J’axe mon approche sur la transversalité et les liens entre les arts martiaux et sports de combat (dichotomie à discuter). Je pratique le Karaté comme un tout, le Karaté est ma base pour appréhender les autres arts martiaux. Lorsque je suis en pieds poings, je suis sur la forme d’opposition commune à tous les sports de combat. Lorsque je sors le sabre, celui-ci est le prolongement de ma motricité, la précision de la lame illustrant mon degré de maitrise corporelle. De même, lorsque je passe au sol, j’enrichis mes sensations, mon Karaté, puisque je ne fonctionne plus avec le regard mais par kinesthésie. Ma curiosité de pratiquant, mon envie d’apprendre et mon approche d’enseignant d’EPS font que je rayonne autour de ma formation de karatéka. Chaque forme de pratique a son intérêt, ses bénéfices, à nous de donner du sens et de la cohérence. Je n’aime pas être dans une case, me sentir immobile (sourire). C’est peut être pour ça que je suis monté sur le ring cette année pour l’Open de France de Karaté Light Contact.
Un conseil à donner aux enseignants et futurs enseignants ?
Se Former. Enseigner c’est endosser une responsabilité. Celle de maîtriser ce que l’on fait faire. C’est ne plus lire sa performance dans ce que l’on fait mais dans les savoirs faire et les attitudes des pratiquants.
Ton intervention au Masterclass Pédagogie ?
Je remercie Lionel Froidure et En Terre Martiale de cette initiative et de l’invitation à y participer.
Le Karaté comme la plupart des arts martiaux est en terme d’enseignement centré sur « le technicien ». Avec son corolaire la technique, la forme, comme fil conducteur.
Or transmettre ne se limite pas à de la gestuelle acquise, qui plus est en arts martiaux et sports de combat où la finalité, le fond, prime (à mon sens) sur la forme.
L’équilibre entre activité de formes techniques et d’opposition finalisée est un défi pédagogique.
Qu’attends-tu de ce stage ?
Comme l’a évoqué Jean-Marie Comiti, un grand moment de partage.
L’avantage de la réflexion pédagogique c’est qu’elle ne prétend pas à la recette magique. Contrairement à ce qu’en disent ses détracteurs.
En effet, nous savons que telle ou telle approche correspond mieux à tel ou tel public ou encore à certaines acquisitions, mais la relation pédagogique s’articule autour de variables humaines, celui qui apprend et celui qui enseigne. Ceci s’en compter l’analyse de ce que l’on veut faire acquérir. Bref, sans rentrer dans une approche trop complexe et professionnelle, ce stage sera l’occasion d’ouvrir des portes pour les stagiaires (et pour nous). Des façons différentes d’aborder ce qui nous unit, le Karaté, en fonction des finalités recherchées et du public pratiquant.
Comment as-tu commencé le karaté et pourquoi ?
Je pense que l’on ne pousse pas la porte d’un Dojo ou d’une salle de combat par hasard. Globalement deux axes prédominent et s’entre-mêlent, se rassurer et savoir faire des choses un peu hors normes.
J’ai débuté le Karaté en 1991 en Polynésie avec Philippe Saint Val. Mon premier contact correspondait à une expérience et c’est ce que je cherchais, quelque chose qui me questionne, me bouscule. A travers la grille du dojo (les « murs » sont aérés) un karatéka ceinture bleue réalisait seul un kata au milieu du tatamis, et nos regards se sont croisés. J’ai baissé les yeux..
J’ai pratiqué presque deux ans à la fois le Karaté et le Tai jutsu. Je retiens de ces débuts, une envie qui n’a fait que grandir et la bienveillance exigeante du professeur.
J’ai ensuite déménagé à Reims et me suis présenté au KCR. Changement d’ambiance par la structure professionnelle et le nombre d’adhérents. Gros club de compétiteurs et de gradés sous la conduite de Marcel Lancino.
Pareil, ma première venue reste un souvenir fort. Il y avait une vitre qui permettait de voir l’intérieur du dojo lorsque nous attendions, et le cours qui précédait était celui des ceintures noires. A la fois très impressionné par l’engagement (mot faible) qui y régnait mais également motivé pour un jour l’intégrer. J’ai donc poursuivi ma formation de karatéka dans un esprit d’engagement certain et de camaraderie (clin d’œil à Richard, Laurent, Jean Philippe). Sous la houlette notamment de Thierry Lancino, Patrick Hirault et Jean Marie Boblique. Plusieurs fois champion et vice champion de ligue en individuel et par équipe. Époque où j’étais au club et en kimono 6 jours par semaine.
Mention spéciale à JM Boblique qui m’a suivi durant toutes ces années et au-delà dont je porte encore régulièrement la ceinture noire qu’il m’a offert à l’issue de mon 1er dan.
J’ai ensuite passé plusieurs années à parcourir les stages, les styles, pour m’ouvrir mais aussi me confronter, avec un idée directrice, être ceinture noire c’est l’assumer!
Quel sont tes jobs ?
Enseignant d’EPS à l’Université Toulouse 3 – Paul Sabatier, je coordonne les sports de combat et intervient sur les formations liées à la sécurité en montagne.
J’ai également l’honneur de diriger le Service des Sports/SCUAPS de l’Université, un des plus important de France.
Enfin je réalise un mémoire de Master sur l’ingénierie de formation pour l’intervention en situation de crise.
Je suis en poste à l’Université depuis 2003 et particulièrement en charge du Karaté sous toutes ses modalités.
En effet, j’enseigne à tous les étudiants, du débutant au sportif sur liste du haut niveau, en fonction des projets de formation différents.
Un étudiant peu venir découvrir le Karaté, venir reprendre une pratique arrêtée, poursuivre sa pratique en complément de celle effectuée dans son club.
Je suis un enseignant d’EPS spécialisé, à ce titre mes interventions s’inscrivent dans les finalités de l’Education Physique, la gestion de sa vie physique tout au long de la vie, l’augmentation des habiletés et des « pouvoirs moteurs », la relation à l’autre ainsi que la connaissance de soi comme facteurs prédominant d’apprentissages et de progrès.
En complément j’ai créé la sélection universitaire en 2005 qui a pour fonction de permettre aux étudiants karatékas compétiteurs de s’exprimer au meilleur niveau universitaire (national et international), en prenant en compte les contraintes universitaires, sportives et personnelles afin qu’ils puissent tenir un double projet scolaire et sportif cohérent et formateur.
Une de mes convictions est que notre Karaté est révélateur de ce que nous sommes, par notre attitude sur le tatamis ou en compétition. Et une de mes ambitions est que le Karaté leur permette de grandir et de devenir de « belles personnes » sur le tatamis comme dans la vie.
Ton mot de la fin
Je vous donne rendez-vous le 4 juin pour un Masterclass exceptionnel autour des questions de pédagogie et des arts martiaux.
Au plaisir de vous rencontrer.